Les Chroniques de Marie Pierre
Gravir la montagne sainte
Les séjours en montagne devraient être remboursés par la sécurité sociale !
Outre l’apport en calcium constitué par les tartiflettes, raclettes et autres fondues du pays, le ressourcement des globules rouges dans un vaste bol d’air, on ressent, à fréquenter les neiges éternelles, une émotion unique et absolument réconfortante qui tient à la fois du soulagement de la dépossession et du sentiment de voisiner l’infini, remède imparable de la dépression.
Loin, les aléas du quotidien, les bruits du monde moderne, radio, télé, musiques agressives, vrombissements de moteurs en tous genres, ils n’ont pas accès aux sentiers tortueux et escarpés qui gravissent les montagnes. Ces espaces-là se nourrissent à tel point du silence qu’en les traversant, même la voix s’éteint pour se concentrer sur le souffle originel qu’il faut économiser pour mieux assurer la montée. Et puis, que dire qui soit communicable quand le vent siffle dans les oreilles et que les tympans se bouchent à cause de l’altitude ?
Ainsi purifié, il est possible alors de se laisser habiter par la présence de ce qui nous dépasse, de se laisser toucher par la main de celui qui a étiré la croûte terrestre pour faire naître les montagnes. On pourrait se sentir tout petit, fourmi sur le sommet du monde mais la montagne transfigure : elle convertit notre petitesse parce qu’elle est le lieu de la Rencontre, du verbe incarné, du don de l’amour.
Dieu parle sur le mont Thabor et cette parole adressée à notre humanité transforme notre manière d’être au monde. Doit-on alors dresser une tente et s’établir durablement sur la terre de la rencontre première ? Non, Dieu nous renvoie : il fait de nous des messagers qui restent saisis de ce qu’ils ont vu et entendu tout là-haut. Il nous renvoie dans le silence prolongé au milieu du monde rendre compte par nos actes et notre vie entière, du mystère qu’il nous a confié en partage.
Dresser le parallèle entre l’aventure mystique et l’épopée montagneuse n’est sans doute pas nouveau : la Bible est parsemée de montagnes ! Il est clair que si Dieu est partout, certains environnements sont plus propices que d’autres à la conversion et à l’approfondissement d’une vie spirituelle. Il faut avoir célébré la messe à l’issue d’une journée de marche ardue, en plein-air au centre d’un col désertique ou dans une simple chapelle qui, depuis deux cents ans résiste aux avalanches, pour comprendre ce que la montagne donne à croire.
Modestement, le temps d’une colonie, c’est ce que l’association Saint Joseph des Tanneries essaye de faire vivre aux enfants et aux adolescents qui lui sont confiés chaque été depuis quarante ans. Parce que nos convictions chrétiennes fondent le projet éducatif de nos séjours et parce que nous sommes intimement convaincus que les temps forts sont essentiels à la construction de la foi, nous essayons de faire de nos camps des sommets spirituels desquels on revient grandi, à même de partager nos rencontre et de prolonger la Rencontre. Les équipes d’animation secondées des aumôniers s’emploient à tracer des chemins vers Dieu et accompagnent les enfants et les adolescents pour que, dans la même cordée, tous soient capables ensuite de faire vaciller des montagnes.